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Cyclo-camping au pays des Vikings


By Hélène et Dominique Farcy, Fri, 6 Sep 1996 10:44:35 +0000
Depuis plusieurs mois la décision était prise : nous irons en Norvège pour un long périple à vélo. Les critères de choix étaient simples : dépaysement, montagne et cyclo- camping. Un savant mélange déjà mûrement testé au cours de nos précédents voyages, que ce soit dans les Alpes françaises, italiennes et autrichiennes, les Montagnes Rocheuses ou plus récemment au printemps en Corse. Grâce à ces diverses expériences, nous savions exactement quel équipement emporter pour notre circuit norvégien. Résultat: nos deux vélos affichaient respectivement 32 et 26 kilos sur la balance de l'aéroport (devinez à qui était le plus lourd ...). Quant à l'entraînement, une diagonale effectuée en mai et de multiples longues randonnées nous permettaient d'envisager sereinement le programme très montagneux prévu pour les quatre semaines qui allaient suivre.

Le 18 juin, nous partons donc de Roissy pour la Norvège. L'escale à Copenhague se fait sous la pluie ; à Oslo, il fait le même temps, mais en plus froid. Arrivés à midi, à 13 heures nous sommes sur le vélo, déjà équipés du poncho et avec les sur-chaussures aux pieds. Cela commence bien!

La région d'Oslo est vallonnée. Ce ne sont que des successions de cultures céréalières et fruitières. Mais, sous la pluie, nous n'apprécions pas vraiment le paysage, d'autant plus que nous nous perdons dans le dédale de pistes cyclables à la sortie de la capitale norvégienne. Heureusement, dès le premier soir, nous bénéficions avec joie d'un des points forts de la Norvège : les hytter , petits chalets que l'on peut louer à la nuit dans les campings ou chez les particuliers. Sous la pluie battante, nous n'hésitons pas une seconde et pourtant l'endroit n'est pas particulièrement spacieux. Notre premier chalet tient en effet plus du compartiment-couchette de la SNCF que de la villa : 2 mètres sur 3, deux couchettes superposées, une table, c'est tout. Pour nous, c'est pourtant le luxe comparé à la nuit humide qui nous était promise sous la tente.

Le lendemain, nous découvrons à nos dépens les habitudes norvégiennes : c'est dimanche et tout est fermé, sauf les stations-services où l'on trouve heureusement de tout. Nous nous engouffrons dans la première que nous apercevons afin de satisfaire notre appétit.

Le temps s'est rétabli , et c'est sous le soleil que nous visitons la plus grande stavkirke de Norvège à Heddal. Les stavkirke sont des églises en bois enduites de goudron, d'une longévité étonnnante, construites par les vikings aux XIème et XIIème siècles. Aujourd'hui, seules trente d'entre elles subsistent encore. Nous sommes séduits par le calme qui règne autour de ce monument, qui fait pourtant partie des sites les plus visités de Norvège. Nous retrouverons cette ambiance et ce respect des lieux partout dans le pays.

Ça y est, nous voilà en montagne. Ce ne sont certes pas les altitudes impressionnantes des Rocheuses, où nous avions dépassé les 4000 mètres : nous n'atteindrons jamais les 2000 mètres. Pourtant neige, glace, végétation rase, tout ici à 1000 mètres ressemble à nos paysages alpins de 2500 mètres. Il faut dire que nous sommes 2000 kilomètres plus au nord.

Nos premiers cols norvégiens nous font comprendre le relief norvégien très particulier : sortie des vallées glaciaires très raide, souvent avec des pentes à 10% de moyenne, pour arriver sur un plateau, 600 à 1000 mètres plus haut, où nous attend une succession de montées et de descentes harassantes, et un décor digne de l'Antarctique en cette fin du mois de juin.

La neige est encore bien présente : dès 500 mètres d'altitude, nous passons entre deux murs de neige (jusqu'à 4 à 5 mètres de hauteur). Lacs gelés, vent glacé sont notre lot quotidien la première semaine et tout cela sous un temps grisonnant et humide. Que venons nous faire dans cette galère ?

Nous nous approchons maintenant de la Mer du Nord, que nous atteignons après avoir eu toutes les peines à descendre la vallée du "majestueux Rogaland" (dixit le Guide Bleu) à cause d'un terrible vent de face, auquel est venu s'ajouter la pluie quotidienne ! Le lendemain, repos ou presque : nous faisons une journée de marche pour découvrir le Prekestolen. Le ciel est limpide, les dieux sont avec nous pour cette journée qui restera l'une des plus belle de notre voyage.

Le Prekestolen est un rocher, en forme de dalle, suspendu 600 mètres au dessus de la mer, du Lysefjord plus précisément, bras de mer qui s'enfonce de 40 km à l'intérieur des terres. Cet endroit est très impressionnant. Les plus audacieux s'assoient sur le bord du rocher, les jambes dans le vide ; mais, déjà, s'approcher à 1 mètre du bord et voir cette paroi verticale qui fait deux fois celle de notre Tour Eiffel nationale donne de bonnes sensations. Subjugués par ce site exceptionnel, nous restons plus de deux heures sur ce rocher suspendu entre ciel et mer.

Dès le lendemain, le mauvais temps reprend. Pour protéger nos pieds de l'humidité, nous testons la technique dite "des quatre épaisseurs" - chaussette + chaussure + sac plastique + sur-chaussure - qui s'est avérée efficace. Comme le dit le Guide du Routard, "la pluie fait partie intégrante du paysage"... Nous l'avions lu, mais nous n'imaginions pas avoir aussi froid.

Qui dit relief et montagne dit ouvrages d'art et tunnels : la Norvège en est riche. Les tunnels font quelque fois plusieurs kilomètres de long (jusqu'à 6 km), en montée cela semble plus qu'interminable.

Les contrastes de paysages sont saisissants : douceur et cultures fruitières près des fjords (fraises, cerises, ...), glaciers et toundra quelques centaines de mètres plus haut. Et partout de l'eau, de l'eau, de l'eau. Où que l'on pose le regard, les cascades sont présentes. Leur débit est souvent impressionnant, surtout à la période de la fonte des neige, et passer à proximité à vélo coupe souvent le souffle, au sens réel comme au figuré.

Nous découvrons avec bonheur les fjords. Leur réputation n'est pas surfaite. Les sommets enneigés et les parois abruptes qui plongent dans une eau qui va du turquoise à l'émeraude rendent le paysage féérique. A partir du 1er juillet, nous découvrons toutes ces splendeurs sous le soleil, qui n'allait plus nous quitter pendant deux semaines. Après avoir connu des températures proches de zéro en altitude, nous recherchons désormais les coins d'ombre : il fait 30C à Oslo. Notre itinéraire remonte le long des fjords vers le nord. Nous voyons alors le soleil 22 heures par jour et il est possible de lire dehors à 2 heures du matin sans aucune lampe!

Nous faisons le tour du Jostedalbreen, le plus grand glacier d'Europe de près de 50 kilomètres de long et qui descend par endroits à 100 mètres d'altitude. A 1000 mètres d'altitude, les norvégiens font du ski d'été ; on comprend mieux leur succès aux derniers Jeux Olympiques. Après une folle descente de 1500 mètre de dénivellée, nous arrivons au fjord le plus connu de Norvège : le Geiranger Fjord. Le temps est splendide et le soleil met en valeur ce site remarquable. Il n'y a pas encore trop de touristes en ce début juillet et notre camping est un vrai paradis de calme et de verdure.

Plus au nord, nous franchissons la Trollveggen ou "route des Trolls" , itinéraire de montagne passant entre les sommets les plus escarpés de Norvège. Certaines parois sont parmi les plus verticales au monde : plus de 1000 mètres d'à-pic. Leur notoriété va bien au delà des frontières de la Scandinavie, surtout chez les parachutistes qui venaient du monde entier pour y effectuer des sauts en chute libre. Depuis 1986, cette pratique est interdite suite à quelques accidents mortels, mais cela n'empêche pas les kamikazes de continuer en cachette.

Notre point ultime est atteint à Åndalsnes, petite ville au fond d'un fjord où nous découvrons la torpeur de la Norvège du Nord. Notre itinéraire redescend maintenant au sud. Nous traversons le massif des Rondanes, qui ressemble à certains coins du Colorado, pour nous diriger vers le massif du Jotunheimen qui rassemble les plus hauts sommets norvégiens. Notre objectif : la plus haute route de Norvège à 1850 mètres d'altitude. Sans bagages (la route est en cul-de-sac), nous nous engageons sur la piste. Là les choses sont simples : il nous reste au pied de la montée 15 kilomètres pour 1500 de dénivelée. Résultat : 10% de moyenne. Mais, c'était sans compter les 500 mètres de replat au milieu de l'ascension et même plus loin une légère descente. En fait, les quatre derniers kilomètres sont à 12,5% de moyenne ; dans la poussière et la terre battue, ce n'est pas une mince affaire. Nous atteignons avec satisfaction le refuge du sommet au pied des pistes de ski d'été, mais le paysage n'est pas à la hauteur des efforts fournis. On ne peut pas gagner à chaque fois...

Encore quelques cols à 1200-1400 mètres d'altitude dans les hautes montagnes norvégiennes et nous retrouvons les paysages de la Norvège du sud-est : forêts, lacs, collines, mais aussi moustiques dont nous avions oublié de parler. Nous en avons en fait souffert depuis le retour du beau temps ; heureusement que des produits "miracle" permettent de repousser leurs ardeurs.

La chaleur aidant, nous avons l'occasion dans les derniers jours de notre voyage de nous baigner dans un fjord, à 21h30... Comment imaginer que nous sommes près de 3000 km plus au nord que la Côte d'Azur ? Notre dizaine de jours sous le mauvais temps est oubliée et Oslo est rejoint sans emb&uhat;che. Nous consacrons un jour et demi à la visite de la ville qui se révèle très agréable, surtout le soir car elle offre de nombreux spectacles de rue.

Déjà 4 semaines de vélo, 2500 kilomètres parcourus, quand même plus de 30000 mètres de dénivelée, nous avons le sentiment d'avoir vraiment découvert un superbe pays très attachant et nous sommes prêts à y retourner : splendeur des paysages, calme, structures adaptées à la randonnée, bref le paradis du cyclotourisme (à condition d'être bien équipé)

Footnotes

  1. Les trolls , personnages de légende dont on voit les représentations partout en Norvége, sont des lutins plutôt maléfiques qui hantent les bois et les montagnes norvégiennes.
  2. Pour les photos, rendez-vous au diaporama...